Dans son ouvrage intitulé Louis XIV, le fantôme et le maréchal-ferrant (Paris, Puf, 2001), l’historien Lucien Bély évoque la relation d’un récit de fantôme publié en avril 1695 dans le Mercure Galant (pages 279-284, disponible sur Gallica). Selon Lucien Bély, « ce récit montre comment le revenant reste présent dans la vie des populations rurales, ici comme un instrument de la justice afin de ne pas laisser un crime impuni » :
En l’année 1692, la dernière fête de Noël, N.... garçon meunier du Moulin de Serry, homme de probité, quoique meunier [3], alla du moulin de Serry à Villeneuve-Saint-Denis porter des farines ; et à son retour passant proche d’une mare, il rencontra un fantôme qui lui dit : arrête et n’aie pas peur. Je suis un marchand que l’on a tué à l’endroit où je suis. On a coupé ma tête, et on l’a mise au pied de ce saule que tu vois ; mes bras sont proches de ma tête, et l’on a mis mon corps dans la haie. L’on m’a pris deux cents livres que j’avais. C’est le milicien de Serry et le milicien de... qui ont fait le coup avec un nommé Bernier, sur l’avis que le cabaretier de Serry leur avait donné que je devais passer. Va-t-en et ne me dis point adieu.
Vers le temps de la Pentecôte suivante, plusieurs laboureurs labourant proche de cette mare entendirent en plein jour un homme se plaindre comme un mourant, sans rien voir. Une femme menant sa vache par la corde, étant allée la faire boire dans cette mare, sentit une très mauvaise odeur, sans rien voir non plus que les laboureurs. Elle en fit son rapport dans le village de Serry. On y alla, et on trouva effectivement le corps du marchand dans la haie, la tête et les bras au pied de ce saule dont le fantôme avait parlé au meunier.
À cette nouvelle le meunier a paru et à découvert la révélation du fantôme. On lui a demandé pourquoi il n’en avait rien dit dans le temps. Il a répondu qu’il avait peur d’être tué par les miliciens, ce qu’ils auraient fait s’il eut déclaré ce qu’il avait appris du fantôme. Le milicien de Serry ayant entendu parler de cela, alla trouver le garçon meunier, et lui fit quelques menaces de le tuer s’il ne gardait le secret, lui disant que quand il aurait fait le coup, il n’y aurait pas un fort grand mal.
Le prévôt des Maréchaux de Meaux ayant eu avis de cet homicide a pris les miliciens vers la fin du mois passé, et après qu’ils ont été mis dans les prisons de Meaux, on a instruit le procès.
Les miliciens ont avoué qu’ils étaient les auteurs du crime. On les condamna jeudi passé à être rompus, ce qui a été exécuté. »
- Une des pages du Mercure Galant d’avril 1695.
Amis lecteurs, à partir de ce récit, je vous propose une petite énigme, ludique je l’espère, afin d’essayer d’identifier certains des protagonistes de cette étrange affaire.
Ainsi, qui pourrait identifier :
- N... le garçon meunier du moulin de Serris ?
- Le marchand assassiné (inhumation vers la Pentecôte de 1693, il convient donc de connaître la date de cette fête cette-année là, en rapport avec celle de Pâques) ? (Pâques le 22 mars et la Pentecôte le 10 mai 1693).
- Le milicien de Serris ?
- Le nommé Bernier ?
- Le cabaretier de Serris ?
- La femme qui trouve le corps et fait son rapport à Serris ?
Bonnes recherches à tous...
Vous pourrez retrouver le fantôme de la Brie et bien d’autres légendes et superstitions dans L’Almanach paysan :