Homme de confiance de Washington, principal Rédacteur de la Constitution américaine, considéré à ce titre comme l’un des pères fondateurs des Etats-Unis, Gouverneur Morris arrive en France le 3 février 1789 auréolé de prestige et chargé d’une mission officielle par les Etats-Unis d’Amérique. Sa mission : exécuter le traité qui doit fournir à la monarchie française de la farine et du tabac contre le remboursement de la dette américaine.
Dès son arrivée en France, de 1789 à 1792, il tient son Journal quotidiennement. Maniaque, d’une minutie obsessionnelle, Gouverneur Morris consigne tout dans ses notes : ses rencontres, ses dîners, ses impressions, les événements du jour, ses conquêtes féminines (il est admis à la toilette et au bain de des dames !). N’ayant jamais pensé le publier, l’homme à la jambe de bois s’y montre ainsi à nu, négligé à l’extrême, authentique au plus haut point. Jour après jour, ces anecdotes piquantes, ces ébauches de stratégies et de diplomaties, ces notes personnelles et ces jugements sans fard, composent l’un des plus étonnants journaux intimes tenus durant la Révolution française.
Chronique d’une révolution en cours, témoignage privilégié de l’Histoire marche, peinture sans complaisance de la société aristocratique, le journal de Gouverneur Morris en prend une valeur et une acuité sans pareille. Il consigne tous les faits en badaud avant de le faire comme personnage officiel. Il a été partout : à Versailles les 4 et 5 mai pour l’ouverture des Etats généraux ou bien encore à la Bastille le 16 juillet lorsqu’il en visite les cachots en cours de destruction. Il rapporte les opinions qu’on lui soumet, celles de La Fayette, de Talleyrand, mais aussi du roi lui-même, qui s’en fait un confident.
Etranger, Morris juge les choses avec une certaine distance, discutant avec des intervenants d’opinions fort différentes. Ministre plénipotentiaire des Etats-Unis auprès du gouvernement français, Gouverneur Morris fut le seul membre du corps diplomatique qui ne quitta pas la France sous la Terreur.
Publié en langue anglaise pour la première fois en 1832, remis en forme et complété par la petite-fille de Morris en 1888, ce Journal est depuis longtemps une source précieuse pour les historiens et un classique pour les lecteurs américains avides d’histoire.