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Des Tongas aux Samoas en passant par Futuna, la croisière du Rigault de Genouilly dans le Pacifique en mai 1937

Le vendredi 11 février 2022, par † Michel Carcenac
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VAVA’U (Tonga) Arrivée le 14 Mai 1937 - Départ le 17 Mai 1937

Léon Moron m’avait souvent parlé de la reine Saloté des Tonga qui l’avait beaucoup impressionné. Tonga Tabu, il connaissait, maintenant en route pour le reste de l’archipel, plus de 170 îles ou îlots coralliens en plein milieu du Pacifique, entre les Fidji et Tahiti.

Le Commandant offre à son équipage trois jours de vacances à Vava’u, une des îles les plus au Nord du groupe des Tonga.
Des îles de corail sans volcans, de nombreuses vallées boisées, des kilomètres de plages de sable blanc, des récifs coralliens avec des eaux cristallines.
Quarante mouillages parfaits, au choix, pour le Rigault de Genouilly. Les récifs de coraux importants et rapprochés cassent les vagues et forment de fort belles piscines. Enfin les alizés entretiennent une température aussi douce que celle de la France en juin.

FUTUNA (île Alofi et Anse de Sigave) Arrivée le 19 mai 1937 et départ le même jour.

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WALLIS-et-FUTUNA avaient le statut de protectorat en 1937, au passage du Rigault de Genouilly. Ces îles sont représentées par 3 rois reconnus officiellement par la République française. Les rois de Sigave et d’Alo se partagent l’île de Futuna. L’île d’Alofi appartient au royaume d’Alo. L’autre roi est à Wallis. Les rois sont élus par les membres de leur famille princière, qui peuvent également les destituer.

Une trentaine d’années plus tard, ces trois rois ont demandé, après un référendum, à faire partie de la France, ce qui leur a été accordé par la constitution de 1961, qui leur a également permis de garder le droit coutumier avec la Loi française. Chaque roi est assisté par cinq ministres. Leur traitement et le budget de fonctionnement vient de la France. Ils reçoivent également d’importantes subventions de l’Europe.
Comme au temps des premiers missionnaires, l’enseignement élémentaire est assuré par la mission catholique, suivant les termes d’un contrat avec le gouvernement français.

Le royaume d’Alo comprend une partie principale dans les deux-tiers nord-est de l’île de Futuna. Une autre partie occupe la totalité de l’île d’Alofi qui n’est pas habitée.
Le royaume de Sigave s’étend sur six communes dans le nord-ouest de l’île de Futuna. Il comprend six villages et environ 2000 habitants.
Moron a mouillé dans l’anse de Sigavé, peu sûre, mais unique point de mouillage. Il y fut accueilli par l’évêque et le roi Tamole.
Il a aussi jeté l’ancre devant l’île d’Alofi. Il s’est rendu chez les deux rois d’Alo et de Sigave pour les saluer au nom de la République. Léon Moron ne s’est pas attardé dans ces visites protocolaires, il était pressé de sortir le Rigault de Genouilly d’un endroit qui risquait de devenir un piège avec un coup de vent.

LES ILES SAMOANES

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Livre Ports et Rades du Rigault de Genouilly

APIA (Samoa de Nouvelle-Zélande). Arrivée le 20 mai 1937, départ le 22 mai 1937.

Les Samoa sont à 480 Km de Wallis et Futuna.
Les îles Samoa comprennent deux régions, à l’Est les Samoa américaines et à l’Ouest les Samoa occidentales. C’est à celles-ci que se rendait Léon Moron, deux îles séparées par un bras de mer de 1 km 700.

Les Allemands s’étaient emparés des Samoa occidentales, sans demander la permission aux habitants et propriétaires des terres. De grosses compagnies allemandes avaient installé des planteurs pour faire du coprah. Les autochtones se soulevèrent, appuyés par la Marine américaine. Il y avait toujours un navire de guerre américain qui faisait des ronds autour des îles et la nuit débarquait des armes pour les insurgés. Le service de renseignements était du ressort des missionnaires protestants. Le chef des rebelles, la bête noire des Allemands, était le roi Mataafa Josefa.

Un combat, trois mois auparavant, avait fait plus d’une vingtaine de morts parmi les fusiliers marins allemands.

L’ambiance était électrique et malgré cela trois navires de guerre de l’Empire allemand étaient mouillés à côté de trois navires américains dans la baie d’Apia. En plus un navire britannique observait lui aussi et des bâtiments civils s’étaient mis dans le fond de la baie, à l’abri d’un possible coup de torchon. Treize navires en tout, il ne fallait pas être superstitieux ce 16 mars 1889. La baie s’ouvre largement au Nord. Pas de barrière de corail pour casser les vagues, le corail se trouve au fond de la baie.

Le baromètre dégringole le 15 mars, les gens du pays voyant les signes avant-coureurs de la tempête, conseillent aux marins de gagner sans délais la haute mer. Aucun commandant ne veut être le premier à se déshonorer en fuyant. Le vent se met à souffler de plus en fort. Seul le HMS britannique Calliope qui a des moteurs puissants, parvient à sortir du piège. Le souffle du cyclone atteint les 160 kilomètres par heure, les bateaux se fracassent l’un contre l’autre, d’autres comme ramassés par une pelle gigantesque sont jetés à terre ou sur la barrière de corail. Deux navires allemands sont projetés l’un contre l’autre à l’entrée de la baie et coulent aussitôt en eau profonde. Plus de deux cents marins périssent, surtout des Allemands, et cinquante Américains.

Le cyclone d’Apia a gagné la partie, les concurrents n’ont plus qu’à s’entendre.
Ce fut la plus grande tragédie maritime du siècle.

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La canonnière allemande Adler retournée sur le récif ouest du port d’Apia.
U.S. Naval Historical Center Photograph. Public domain.

Par un traité tripartite, les puissances coloniales se partagent les Samoa : les Américains obtiennent les Samoa orientales, les Allemands les Samoa occidentales et les Anglais … les Tonga.

Aux premiers jours de la guerre 14-18, la Nouvelle-Zélande s’empare des Samoa occidentales, gardées par une petite garnison allemande.

Malgré les incessantes et pacifiques manifestations, la Nouvelle-Zélande refuse la moindre autonomie aux habitants et envoie des généraux pour les mater. Les chefs sont déportés en Nouvelle-Zélande. Après des années de manifestations pacifiques, les Samoans font appel à la reine d’Angleterre et portent à la connaissance de très nombreux pays la façon dont les traite la Nouvelle-Zélande, ce qui ne plait pas à ce jeune pays.

Enfin l’ONU confie à la Nouvelle-Zélande le protectorat des Samoa occidentales avec pour mission d’aider les autochtones à créer leur propre administration afin qu’ils deviennent indépendants dans les plus brefs délais. L’indépendance fut proclamée le 1er janvier 1962 et les Samoa devenaient le premier pays insulaire du Pacifique à l’obtenir. Un peu plus tard le parlement supprima l’adjectif « occidental » pour montrer que les Samoa étaient une seule entité. Par contre les habitants des Samoa américaines votèrent massivement contre l’indépendance, préférant la richesse.

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RL Stevenson par William Barnett.
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Le Rigault de Genouilly mouilla dans la baie d’APIA, port principal et capitale, dans l’île d’UPOLU.
Le commandant possédait les livres de Robert Louis Stevenson, en anglais, en particulier les « Vailima papers » ; les avait-il achetés à Apia où le souvenir du grand écrivain, du défenseur des Samoans contre les Allemands, était toujours vivace ?
De son mouillage Léon Moron pouvait voir le mont Vaea, où des centaines de Samoans se relayèrent pour hisser le cercueil de Stevenson au sommet de ce volcan. Lieu désiré par leur ami, d’où la vue sur l’océan et les îles est magnifique. Les Samoans adoraient Stevenson, qui s’intéressait à leur culture, à leurs récits, qui avait appris leur langue et leur inventait des histoires, celui qu’ils avaient baptisé « Tusitala, le raconteur d’histoires. » Ils n’ont jamais oublié qu’il a souvent pris leur défense contre l’administration allemande.


*

Il faut lire les récits du comte hongrois Rodolphe Festetics de Tolna qui, avec son épouse, partit sur son yacht le Tolna, après leur mariage, explorer les îles de l’océan Pacifique et de l’océan Indien. Il écrivit son journal de voyage : « Chez les Cannibales. Huit ans de croisière dans l’Océan Pacifique à bord du yacht Le Tolna », dans un français parfait et agréable à lire.

« Le lendemain de notre arrivée dans le port d’Apia, je vis arriver à bord un homme de race blanche, en bras de chemise, pieds nus, avec un pantalon relevé jusqu’au genou, qui me remit une lettre. Elle était d’un de mes compatriotes le comte de Wurbrand-Stuppach… par laquelle il m’invitait à aller voir de sa part Stevenson le célèbre écrivain américain.
Quand pourrai-je rencontrer M. Stevenson demandai-je à l’homme en bras de chemise ? Voulez-vous lui dire que je serai charmé d’avoir l’honneur de faire sa connaissance et que j’irai aujourd’hui même.
L’homme regarde étonné : - Rencontrer M. Stevenson répéta-t-il ; mais il est tout rencontré … c’est moi M. Stevenson …
Je compris mon erreur qui nous fit rire tous deux, et je conduisis Stevenson au salon où je lui présentais la comtesse. Il voulut bien accepter un verre de champagne et nous fumes bientôt sur le pied de la familiarité. » In Rodolphe Festetics de Tolna, séjour aux Samoa occidentales. Apia et Stevenson

Le même jour, les Festetics de Tolna furent reçus par les Stevenson. Madame Stevenson et les enfants marchaient nu-pieds, à l’intérieur comme dehors, de même les habitués de la maison.

La maison de Vailima, perchée dans les collines d’Apia, chef d’œuvre des ouvriers samoans, était toute entourée de galeries garnies de fleurs et d’arbustes ; en s’y promenant à l’abri du soleil, on admirait les paysages alentours. La fantaisie de Stevenson a doté cette demeure d’un âtre très écossais, qui n’a pas dû servir souvent sous ce climat.
Aimable et spirituelle, Fanny Stevenson a rédigé la plupart des livres de son mari, sous sa dictée. Stevenson devait parler, raconter tout en marchant.
Pendant trois mois les Festetics de Tolna furent hébergés à Valaïma. Ils firent des randonnées à cheval, des parties de polo et découvrirent les beautés d’Upolu.
Après le repas du soir, tout le monde s’installait sous la véranda et Stevenson racontait des histoires de son invention en se promenant à grandes enjambées, jusqu’à minuit, exactement comme il faisait en dictant ses livres à Fanny. Les Festetics de Tolna buvaient ses paroles, ils regrettaient de ne pouvoir les écrire et de la sorte enrichir les œuvres du grand écrivain. Chacun serait resté volontiers jusqu’au jour.

Stevenson écrivait des livres pour les samoans, décrivait leurs coutumes présentes et passées.
Trois partis samoans se disputaient le royaume, c‘était la guerre jusque dans les rues d’Apia. Depuis les bateaux de la coalition, les officiers suivaient les évènements, guettant le prétexte pour intervenir.

Le dimanche, les principaux chefs de guerre se retrouvaient, sans se disputer, chez Stevenson. Tusitala, « Le raconteur d’histoires » faisait revivre leur passé et créait un sentiment national. La lecture de la Bible en Samoan obtenait un vif succès ainsi que les prières écrites par Stevenson à Vailima (Prayers Written at Vailima). A cinq heures, ce n’était pas le thé qui était servi, mais le kava préparé avec solennité par des jeunes Samoanes.

Pour tout ceci, pour l’énorme influence qu’il avait sur le peuple, les Allemands haïssaient Stevenson. Ils lui avaient interdit d’avoir des armes, mais il n’en avait pas. Il ne craignait pas d’être arrêté par les Allemands et expulsé comme espion, ses amis couchaient devant sa porte et les marins Américains n’auraient pas apprécié.

Les Samoans se battaient entre eux, mais cela ne les empêchait pas d’inviter en pleine guerre à des repas champêtres les Stevenson, les Festetics de Tolna et leurs amis.
Sumana, le chef courageux qui avait sauvé de nombreux marins lors du terrible cyclone, organisa un repas champêtre pour les Stevenson avec des personnalités américaines et anglaises, en oubliant les Allemands.

Une autre fois ce fut grandiose. Trois jeunes filles du pays surgirent au milieu des invités, se déshabillèrent, et sautèrent dans une cascade. Elles disparurent un moment puis revinrent en nageant et sortirent pour détacher leurs cheveux.

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Femmes samoanes. Wikipedia Commons

« Les femmes de Samoa ont un charme si enveloppant, une grâce si pénétrante que l‘âme en reste parfumée. » Festetics de Tolna

Stevenson admirait le roi Mataafa. Les Allemands l’avaient détrôné et emprisonné. Stevenson avait tellement tarabusté Rodolphe que celui-ci accepta d’entrer dans le complot pour le libérer. Les conciliabules secrets n’en finissaient pas, le moindre détail de l’opération était étudié, pesé. L’équipage, prévenu d’un départ imminent, se tenait prêt. Rodolphe n’attendait plus que l’arrivée de Stevenson, ce fut un émissaire qui prévint de la maladie de celui-ci. Le lendemain, un samoan vint en courant annoncer :

« Notre grand roi blanc est mort »

Ses obsèques furent celles d’un monarque. Tout un peuple le pleura. On vit arriver une foule de gens de l’île et les chefs des îles voisines. Tous se pressaient autour de son cercueil, ils savaient qu’allait disparaître tout ce qu’il avait aimé, l’indépendance de leur pays, la noblesse de leurs coutumes et de leurs traditions.

Sans Stevenson, Rodolphe Festetics de Tolna abandonna l’idée d’enlever Mataafa. Quelques jours plus tard il rencontra le gouverneur de la prison de Jalut qui le félicita de ne pas avoir mis à exécution ses projets. « J’avais l’ordre de m’emparer de votre yacht, de le désarmer et de mettre dessus l’embargo, jusqu’à l’arrivée d’un bateau de guerre qui serait venu à toute vapeur. »

Festetics de Tolna apprit plus tard que le secret n’ayant pas été gardé, il avait fait passer de mauvaises nuits au pauvre gouverneur, comment aurait-il fait pour exécuter les ordres, le Tolna ne se serait pas laissé prendre facilement. Il n’avait comme forces armées que la police indigène peu sûre. Certaines nuits où l’inquiétude le bouleversait, le gouverneur montait la garde devant la porte du roi Mataafa.

Pas étonnant que Stevenson fut détesté par les Allemands !

TUTUILA Samoa américaines

PAGO PAGO capitale des Samoa américaines en est le seul port.
Arrivée le 23 Mai 1937 départ le 26 Mai 1937

BAIE DU MASSACRE
Arrivée le 26 mai 1937, départ le 27 mai 1937

En 1785 Jean-François de La Pérouse reçoit du roi Louis XVI le commandement d’accomplir une expédition sur les traces de James Cook. Il faut refaire le périple de celui-ci, compléter ses découvertes et réaliser une circumnavigation. Ce doit aussi être une grande entreprise scientifique avec la participation des meilleurs spécialistes. Louis XVI voulait enrichir les connaissances, continuer de cartographier le monde, ouvrir de nouvelles routes maritimes, installer des comptoirs. L’Académie des Sciences fixe des objectifs multiples : le calcul des longitudes, l’étude des marées, des courants, des vents, des aurores boréales. Un programme très ambitieux.

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Jean-François de Galaup, Comte de La Pérouse jeune.
Tableau de Geneviève Brossard de Beaulieu.
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Lapérouse doit décrire les sociétés qu’il rencontrera, sans aucun préjugé et en faisant preuve d’une grande amabilité.
En 1785, Lapérouse envoie à Londres Paul Monneron, ingénieur en chef de l’expédition. Il approfondit les recherches de Cook sur la prévention du scorbut. Il achète, sur une liste établie par Fleuriot de Langle, les plus récents instruments scientifiques de fabrication anglaise. La Royal Society prête deux précieux instruments de navigation ayant appartenus à Cook.
Les résultats des recherches, les rapports de Lapérouse, arriveront en France par courrier, à partir des escales ayant des liaisons avec l’Europe.

L’expédition quitte Brest le premier août 1785 avec 220 personnes réparties sur L’Astrolabe commandée par Fleuriot de Langle et La Boussole commandée par Lapérouse. En plus des marins, on trouve embarqués : trois naturalistes, un médecin, un astronome, un mathématicien, trois dessinateurs, des physiciens, un horloger, un interprète, un météorologue, des prêtres scientifiques.

Pendant trois années La Boussole et L’Astrolabe parcourent les océans. L’océan Atlantique avec Madère où le vin est bon mais trop cher. A Ténériffe, par contre, on embarque du vin.
Lapérouse, soucieux du bien-être de l’équipage et des savants, multiplie les avitaillements pour avoir de l’eau pure et aussi du vin si possible.

Le 9 novembre l’expédition se trouve à l’île Sainte-Catherine au sud du Brésil. Le temps est très beau, ce qui permet à l’équipage d’attraper des albatros et des pétrels : de la viande fraîche.

En janvier ils longent la côte des Patagons et se retrouvent entourés de baleines dans le détroit de la Terre-de-Feu. Le Cap Horn est contourné sans problème.
Du 24 février à la mi-mars, escale dans la colonie espagnole du Chili. Lapérouse s’offusque des énormes droits de douane perçus sur les importations de la colonie et des mœurs scandaleuses des moines catholiques.

En fin de séjour au Chili, pour remercier les officiels de leur accueil chaleureux, il organise sur la plage un grand repas pour cent cinquante personnes, suivi d’un bal, de feux d’artifice et du lâcher d’une montgolfière. Le commandant Moron n’était pas le premier à organiser des réceptions, mais dans celle-ci pas de champagne !

Le 10 avril, ils passent la journée à l’île de Pâques, journée studieuse. Ils sèment des graines.
Dans l’archipel d’Hawaï qu’ils trouvent très agréable, ils font du troc comme à leur habitude. Lapérouse refuse de prendre possession de l’archipel au nom du roi de France. De là ils font escale en Californie dans un fjord où deux canots avec 21 hommes disparaissent emportés par de violents courants. Un monument est érigé sur l’île nommée ensuite Île du Cénotaphe.

A la mi-septembre 1786, escale de dix jours dans la baie de Monterey. D’innombrables baleines très familières les entourent, mais quand elles soufflent elles répandent une grande puanteur.

Le 14 décembre passage en vue des îles Mariannes sans pouvoir accoster. La flotte prend la route de la Chine. Elle accoste à Macao, colonie portugaise, et y reste un mois. Jean-Nicolas Dufresne, chroniqueur de l’expédition est débarqué le 1er février 1787. Il va rapporter en France le Journal des Mémoires de la première partie de l’expédition.

Lapérouse est scandalisé lors de son passage à Manille, colonie espagnole. Il n’existe aucune liberté : les inquisiteurs et les moines surveillent toutes les consciences et les moindres affaires privées.

Ils quittent les Philippines le 10 avril pour les îles du Japon. Le 6 mai ils longent les côtes de Formose sans les voir, perdues dans le brouillard.

En septembre 1787 les frégates L’Astrolabe et La Boussole sont au Kamtchatka à Saint-Pierre et Saint-Paul. Lapérouse apprend sa nomination comme chef d’escadre. Moins amusant, par l’intermédiaire du vice-consul de France à Kronstadt, il reçoit des instructions du roi pour se rendre à Botany Bay en Australie : de nombreux prisonniers auraient été libérés faute de place dans les prisons et amenés à Botany Bay avec deux cents femmes et des enfants. Louis XVI pense que c’est une amorce de colonisation et il voudrait savoir ce qu’il en est exactement.
Il faudrait aussi que Lapérouse complète cette troisième année de navigation par le relevé des îles qu’il n’a pas encore vues. Vaste programme !

Barthélémy de Lesseps, l’oncle du constructeur du canal de Suez, parle le Russe. Il débarque et emporte avec lui les livres de bord et toutes les relations des savants. Il mettra un an pour traverser la Sibérie, la Russie et remettre les documents au roi Louis XVI. Le colis devait être lourd et encombrant.

Lapérouse reprend la mer et grommelle dans sa barbe, mais il obéit.
Le 21 novembre il coupe la ligne de l’équateur et se dirige vers les isles des Navigateurs, découvertes par Bougainville. Tous sont heureux de sortir du brouillard et de retrouver des îles avec des cocotiers.

Ils décident de relâcher à l’île de Maouna, appelée plus tard Tutuila, dans l’archipel des îles des Navigateurs. Ils descendent à terre et La Pérouse est obligé de jeter à la mer un « indien » qui a blessé un matelot. Troc, visite du village où les hommes sont bien charpentés. Quant aux femmes, elles sont belles, avec des fleurs d’hibiscus dans les cheveux, mais surtout elles se jettent sur les Français avec des caresses indécentes. Aucun marin ne proteste, pas même de Langle d’après Lapérouse.

De retour au navire, Lapérouse apprend que le chirurgien et M. de Monneron ont été attaqués à coup de pierres et que des indiens sont installés sur le pont de sa frégate et n’en veulent pas partir. Un autre indien aurait été tabassé par des matelots qui l’on trouvé en train de voler. Lapérouse peste contre les philosophes et le roi qui évoquent le “bon sauvage“.

Le lendemain, Fleuriot de Langle veut compléter sa réserve d’eau, Lapérouse refuse mais Fleuriot de Langle insiste et Lapérouse cède à son ami. Quatre chaloupes transportent 61 hommes armés. C’est la marée descendante et le canot de Langle et un autre se trouvent échoués sur un banc de corail. C’est alors qu’une foule d’indigènes se jettent sur eux. Fleuriot de Langle, Lamanon et dix de ses hommes sont tués à coups de pierres. Les deux chaloupes sont pillées. Les autres chaloupes en attente en eau pleine ramènent les blessés et les rescapés. Ils se protègent à coup de fusil.

Lapérouse tire un coup de canon pour se dégager. Par charité il ne veut tuer aucun sauvage, et, écrit-il, ceci ne lui rendrait ses morts.
Dans des lettres à ses amis, Lapérouse leur dit ne pas comprendre que de Langle, un homme de bon sens, du jugement le plus sain, possédant de grandes connaissances en tous genres, comment cet officier, mon ami, se soit embarqué dans cette mortelle aventure, pourquoi n’est-il pas allé à une baie proche, vaste, avec de la bonne eau.

Ce drame terrible pour l’équipage et son chef, détruit le mythe du bon sauvage des philosophes. Et aussi les directives royales sur l’obligation « de douceur et d’humanité envers les différents peuples qu’il visitera. » Lapérouse peste sans cesse contre les philosophes.

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Mort de Paul Antoine Fleuriot de Langle. (Les Navigateurs français : histoire des navigations, découvertes et colonisations françaises, Léon Guérin, 1846) Wikipedia Commons

Début décembre, premier cas mortel de scorbut. Direction Tonga, puis Norfolk. Ils passent au large d’îles qu’ils ne peuvent aborder à cause du vent. La Pérouse se pose des questions sur la longueur du voyage après Norfolk. Ils se dirigent droit vers Botany Bay qu’ils atteignent le 26 janvier 1788, juste au moment où le capitaine Arthur Phillip transfère la colonie de prisonniers à Port-Jackson près de Sydney. Les Anglais les reçoivent avec courtoisie mais n’ont que du bois et de l’eau fraîche à leur offrir. Lapérouse leur remet lettres et journaux en leur demandant de les transmettre en Europe.

Dans sa dernière lettre, de Botany Bay, il écrit :

« Je remonterai aux îles des Amis, et je ferai absolument tout ce qui m’est enjoint par mes instructions relativement à la partie méridionale de la Nouvelle Calédonie, à l’île Santa-Cruz de Mendana… Il donne son parcours complet avec les travaux à réaliser et il termine ainsi : « de manière qu’il me soit possible de remonter au Nord assez tôt pour arriver au commencement de décembre 1788 à l’île de France. »

Il appareille pour la Nouvelle-Calédonie, les îles Santa-Cruz, les îles Salomon, les Louisiades et les côtes de l’ouest et du sud de l’Australie.
Puis il disparaît avec ses hommes à Vanikoro. Les dernières paroles du roi Louis XVI avant d’être guillotiné auraient été : « A-t-on des nouvelles de Monsieur de Lapérouse ? »

Moron n’est pas allé à Vanikoro rendre hommage à Lapérouse, le récit de Dumont D’Urville n’étant pas encourageant pour les hommes du ministère de la Marine, même en 1937. Et surtout, l’entrée dans le lagon du Rigault de Genouilly était fortement déconseillée.

Plus tard, un missionnaire a retrouvé la Baie du Massacre et une stèle a été construite.

A la Baie du Massacre un détachement de fusiliers marins du Rigault rendit les Honneurs. Sur la plaque de marbre on peut lire :

Morts pour la Science et la Patrie.
Le 11 Décembre 1787

Suivi des 11 noms

Parmi les livres que le commandant Moron nous a laissés, il en est un qui relate l’histoire des missions catholiques anglaises dans l’archipel des îles Hawaï. C’est un cadeau du seul missionnaire français de cette congrégation, en voici la dédicace :

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