Enfin réédité !
« ENQUETE SUR UN PAYSAN SANS HISTOIRE »
ou l’histoire de la vie d’un humble au XIXe siècle
Résumé : Laboureur, journalier ou artisan : qui n’a pas rêvé de faire revivre ses ancêtres, communs de mortels que chacun de nous peut compter dans l’arbre de sa parentèle ? Ils n’ont pas ou peu laissé de traces et dans les livres d’histoire, ils ne font que passer à titre d’exemple, le temps d’une page, pour disparaître la suivante ou bien ils sont noyés dans les séries statistiques et les généralités. Comme si leur histoire ne pouvait se frayer une place dans la grande histoire.
Dans la lignée du livre d’Alain Corbin sur le sabotier de l’Orne Pinagot, ce livre recompose le parcours d’un paysan, Aubin Denizet, qui a vécu pendant la première moitié du XIXe siècle à Germignonville, village situé entre Chartres et Orléans.
Cette enquête « au ras du sol » s’organise autour de questions simples : quel était le paysage quotidien d’Aubin ? Quelle a été sa vie de famille ? Quelles étaient ses pratiques agricoles et ses soucis de paysan ? A-t-il eu maille à partir avec la justice ? Quelles étaient les petites et grandes histoires de son village ? Quelles responsabilités y a-t-il exercé ? Quelles étaient ces relations ? Quelle appréhension avait-il des horizons qui dépassaient son cadre habituel ?
Les archives communales, départementales et diocésaines lèvent le voile sur ces vies disparues et oubliées. Ainsi sont reconstituées dans les champs, au cabaret ou à la maison la vie d’Aubin et celle de son monde dans lequel apparaissent tour à tour notables, pauvres ou victimes de déclassement social.
Un avis : Il y a quelques années, l’historien Alain Corbin avec son célèbre ouvrage « Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot » avait brillamment ressuscité un inconnu trouvé au hasard des registres de l’état civil, montrant ainsi l’évidente complémentarité de l’histoire et de la généalogie, pour peu que cette dernière discipline s’inspire des méthodes et des travaux récents des historiens.
En reprenant la même démarche qu’Alain Corbin (qui a lu le manuscrit), avec toutefois en prime l’utilisation des archives de notaire, l’historien Alain Denizet, nous montre dans son remarquable ouvrage qu’il est désormais possible, au moins pour le XIX° siècle, de « faire revivre ses ancêtres, de donner chair et vie à ceux qui n’ont laissé que de rares traces dans les archives ? »
Ce livre brillant est le fruit de cinq années de recherches aux archives départementales d’Eure et Loir, aux archives de la commune de Germignonville, ou encore dans les fonds du diocèse de Chartres, du baron de Cambray et des archives nationales.
L’auteur présente en premier lieu les divers horizons d’Aubin, faisant en quelque sorte un « tour de plaine », comme l’on dit encore aujourd’hui en Beauce, avant de faire plus ample connaissance avec sa famille, ses relations de voisinage et sa vie au village. Le coeur du livre est consacré à ses préoccupations quotidiennes - la terre et les biens - qui s’intègrent dans la perspective plus vaste des stratégies sociales. Il aborde enfin sa perception des effluves lointains afin de répondre à ces interrogations : son horizon s’est-il élargi par l’exercice des responsabilités municipales ? Quelle perception a-t-il pu avoir, sur le plan local, des évènements politiques de portée nationale qui ont affecté son demi-siècle : Révolution, guerre impériale, occupation prussienne de 1815 ou élargissement progressif du droit de vote ?
Si le livre est centré sur Aubin Denizet (1798-1854), on y retrouve de chapitre en chapitre des personnages récurrents, la sage-femme Legrand, son mari le vieux Dorson, le curé Goussard, le voisin Claye, le notaire Caillaux, les cabaretiers Duguet et Riché, tous mêlés aux petites et grandes affaires du village...
Evidemment, l’intérêt pour cet ouvrage ne se limite pas à la région Centre... Il va de soit que tous les généalogistes et tous les historiens qui s’intéressent à d’autres régions trouveront dans cette étude une démarche, une méthode et un exposé dont ils pourront s’inspirer largement pour leurs propres travaux.
Sans aucun doute, ce livre est avec ceux d’Alain Corbin, de Jean Vassort (« Les papiers d’un laboureur ») et de Pierrick Chuto (Le maître de Guengat), l’une des meilleures et plus stimulantes contributions à l’étude historique de nos ancêtres... en deux mots : à la Généalogie historique ! (Thierry Sabot).